Les journaux “L’Avenir” dressent le constat, témoignages à l’appui : les associations en Wallonie ont été le plus touchées par la crise du coronavirus.

En février, divers bourgmestres interrogés manifestaient la même crainte : quel sera l’impact du coronavirus sur le secteur associatif, celui qui fait battre le cœur de votre commune, de votre village ? Comités des fêtes, clubs sportifs, fanfares… les associations forment un véritable tissu social. Et c’est la perte de ce tissu qui inquiétait les mandataires. Publié fin 2020 (voir l’article dans nos pages “actualités” : La Fondation Roi Baudouin vous présente son rapport d’activités 2020 | Maison pour associations), le baromètre des associations réalisé à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin dressait déjà un tableau assez pessimiste. 49 % des associations interrogées disaient avoir connu une dégradation de leur situation financière au cours des douze derniers mois (contre seulement 19 % en 2018). 95 % estimaient que la cause était la crise du Covid-19. Et un tiers d’entre elles ne prévoyaient pas d’amélioration pour l’année à venir.

Les associations wallonnes durement frappées

Ce baromètre interrogeait des associations de toutes tailles et actives dans tous les secteurs. Mais les associations les plus impactées par des problèmes financiers sont celles de petite taille, situées en Wallonie, actives dans le secteur culturel et des loisirs. Christian Leclercq est bourgmestre de Silly et président du festival «Théâtre au vert» à Thoricourt. Il confirme la situation financière compliquée. « Nous avons organisé le festival l’an passé avec une réduction de jauge de 75 %, ce qui nous a amené une importante perte de recettes propres. Nous avons aussi engagé durant les 4 jours des comédiens pour assurer le bon respect des règles sanitaires. C’était une manière pour nous de théâtraliser la crise sanitaire et surtout d’engager des comédiens. Les frais sanitaires nous ont coûté près de 5 000 €. » Cette année, le festival fête ses 20 ans. « On a beaucoup moins d’argent en caisse mais la même énergie pour retrouver notre public avec des jauges plus favorables. Même si on est encore à 40 % de pertes

Coûts fixes et confiance

À Namur, l’ASBL Namur Events organise plusieurs événements grand public au fil de l’année (Apéros namurois, Namur Capitale de la bière…). Depuis mars 2020, ce sont une dizaine d’événements qui ont dû être annulés. « L’impact principal est évidemment financier. Les coûts fixes restent (location d’une zone de stockage, comptable, assurances, etc.) mais plus rien ne rentre. » Et les finances de l’association auraient pu être encore plus touchées, comme nous le précise Émilien Watelet : « Pour l’édition de juillet 2020 de Namur Capitale de la bière et du terroir, plusieurs acomptes avaient déjà été payés et tous les exposants avaient réglé leur participation. Heureusement, leur confiance a été d’un grand support. La majorité d’entre eux a en effet décidé de nous laisser le montant pour l’année suivante. Et finalement, ce sera pour 2022, car les conditions d’organisation pour un événement de 10.000 personnes sur 3 jours sont encore trop floues pour espérer une préparation sereine et un événement pérenne. »

Privée de locations

Les pertes financières peuvent aussi provenir de locations de salle annulées, comme le confie à L’Avenir Jacques Jacquemart, secrétaire de l’ASBL Le D’Zy, à Ferrières (province de Liège). « Le D’Zy n’organise pratiquement aucune activité, mais loue ses locaux pour des fêtes publiques ou privées, pour des camps de jeunes… Nous louons également sur le long terme l’ancien logement du café. Les seules recettes sont donc les locations. Nous ne bénéficions d’aucun subside. Outre les entretiens et réparations d’infrastructures (en moyenne 3 000€ par an), les dépenses principales sont les assurances (+/– 2 043 € par an) et le précompte immobilier (+/– 2 350 € par an ). Ces trois postes représentent donc +/– 142 € par semaine ! » Le secrétaire a fait ses comptes : « Nous avions 45 réservations fermes pour l’année 2020. Suite aux mesures sanitaires, de nombreux locataires ont été contraints d’annuler leur réservation. Nous avons remboursé les acomptes. Nous avons perdu 25 réservations, ce qui représente 46,8 % de nos recettes. »

Disparition des bénévoles

Sans ses bénévoles, que serait le monde associatif ? Sur l’aspect humain, le Covid a également eu un impact. Une association belge sur trois a perdu 50 % de ses bénévoles. La perte de bénévoles, la disparition de liens sociaux a un impact humain difficilement chiffrable mais bien présent. « Cette crise sanitaire laissera assurément des traces dans tout ce qui associatif; la perte de contacts, l’interruption des activités, l’annulation répétée d’événements, tout cela sera difficile à récupérer malgré les contacts entretenus par mails, SMS ou courriers, nous raconte Jean Marchal, président du cercle philatélique «Zéphir Demanet» à Hastière. Néanmoins, le plus important était et reste de nous préserver les uns les autres afin d’espérer une vraie remise en route de nos activités philatéliques. »

Comment renouer avec les bénévoles ?

« Ce sont essentiellement les grandes et très grandes associations qui ont perdu des bénévoles », contextualise Sophie Van Malleghem (Fondation Roi Baudouin). C’est donc plus facile de relancer un appel aux bonnes volontés. En Belgique, un bénévole sur trois étant âgé de plus de 60 ans, le tissu associatif pourrait ressortir fragilisé par la crise. Une association locale ayant perdu une cheville ouvrière risque, par exemple, d’avoir du mal à se relancer, voire à survivre. Pour les autres, la coordinatrice de projets dans le programme «Engagement sociétal» de la Fondation Roi Baudouin conseille de travailler sur la communication et la transparence. « Mais je pense qu’il y a une attente de la part des membres de se retrouver, de retrouver le collectif et de faire corps ensemble. » Emmeline Orban, secrétaire générale de la Plateforme francophone du volontariat, est un peu plus mitigée : « Le sentiment d’attachement s’est effrité. Il y a beaucoup de questionnements concernant la reprise, est-ce que ça va encore être comme avant ? Il ne faut pas négliger la peur de retrouver des gens, de revenir au contact. C’est compliqué, la peur de l’autre. Et puis, il ne faut pas oublier que des volontaires ont perdu le contact car ils n’utilisent pas de mails. » Depuis 2017, Katel Freson est en contact avec le monde associatif, via l’ASBL Générations solidaires. Un monde qu’elle a vu s’adapter à la crise du coronavirus. « Je ne veux pas venir avec un regard de Bisounours mais je constate que les associations ont su se réinventer pour garder le contact avec le public. Elles ont profité de ce temps d’arrêt forcé pour repenser de nouveaux projets. » Une résilience également soulignée par Sophie Van Malleghem et Emmeline Orban.

De l’agonie à l’espoir

Du côté d’Arlon, le club photo IRAS (Image-Rail Arlon-Stockem) est également sorti du Covid lessivé. « Si, au début, beaucoup de membres ont sorti leur appareil photo et envoyé au groupe, par internet, une image, au fil du temps, la source s’est tarie, les membres ont déserté et certains ont même démissionné, explique Guy Heurion, le président. L’un de nous a résumé l’état dans lequel se trouve le club: agonie. Mais le désespoir ne fait pas partie de notre vocabulaire: nous espérons une reprise de nos activités et un regain d’intérêt, des retrouvailles physiques, une émulation et la réalisation d’un vrai salon qui fera revivre notre club. » Un espoir partagé aux quatre coins de la Wallonie.

Les subsides et aides exceptionnelles ont permis à des associations de garder la tête hors de l’eau

Sophie Van Malleghem (Fondation Roi Baudouin) met en avant la stabilité financière qui était ressortie du baromètre pour l’année 2018 et la dégradation de 2020. « Toutefois, le secteur associatif est fortement soutenu par les acteurs publics. Les subsides publics touchent 7 ASBL sur 10. » L’État joue, selon elle, un rôle de filet de sécurité. « Il agit comme un ralentisseur.” Un filet qui peut se traduire par la mise à disposition gratuitement d’installations. Durant la crise, la Fondation Roi Baudouin a d’ailleurs lancé une série d’actions de soutien en lançant des appels spécifiques. Une démarche inhabituelle : «Normalement, nous ne travaillons pas dans l’urgence », précise Sophie Van Malleghem. Le montant et le nombre d’associations bénéficiaires donnent une idée de l’impact de la pandémie. Rien que lors de la première vague du printemps 2020, « 800 organisations et associations ont reçu une aide de 10 000 €, pour un montant de quelque 8 millions d’euros », indique la fondation.

Réserve et débrouille

À côté de ces aides, les associations ont dû puiser dans leurs fonds de réserve (quand elles en avaient) ou tenter de trouver des solutions. L’association du D’Zy, par exemple, a reporté certains travaux. « Nous avons aussi obtenu la suspension provisoire de remboursement du capital d’un emprunt fait lors de la rénovation de la toiture, ce qui augmente hélas les intérêts totaux. » 2022 devrait être cruciale pour quantité d’associations.